Notre travail consiste le plus souvent à co-concevoir ou à réorganiser des services publics.
La qualité d’un service, contrairement à celle d’un produit, s’obtient en grande partie au moment où il est presté. Pensez à une superbe chambre d’hôtel conçue par un architecte talentueux : si le service n’a pas été bien fait, ou qu’elle ne vous semble pas propre, elle ne vous laissera pas un grand souvenir. Un transport en commun qui n’est pas à l’heure, ça vous complique la vie. Un site internet ou un formulaire en ligne dont le serveur est surchargé, c’est parfois énervant.
C’est pourquoi, quand nous animons la co-création, c’est au moins aussi souvent avec des agents prestataires qu’avec des usagers. Non pas que les usagers ne nous intéressent pas, bien sûr, mais parce qu’en travaillant avec ceux qui vont prester le service, ils seront motivés, ils auront la possibilité de proposer des solutions efficaces, qu’ils pourront tenir, voire améliorer dans le temps. Et cerise sur le gâteau, ils en savent souvent beaucoup sur les usagers de leur service.
Pourtant, le démarrage n’est pas toujours simple. Nous devons imaginer et mettre en œuvre des changements, ce qui entraîne des réticences chez chacun de nous. De plus, très souvent les participants se demandent ce qu’ils font là : les gens de terrain sont étonnés qu’on les écoute. Certains sont prêts à critiquer, mais ne se sentent pas compétents pour proposer des solutions nouvelles. Ou encore, ils ne croient pas que ce qu’ils vont concevoir va réellement être mis en œuvre.
Un jour, une personne a dit en fin de projet : « c’est fou, je ne pensais pas que je pouvais être créative. »*. Chacun l’est, sous des formes différentes, mais il faut des conditions d’écoute et de respect pour que tous y croient et « osent » s’exprimer, même pour émettre des idées qui peuvent sembler farfelues.
C’est pourquoi nous utilisons de plus en plus l’exploration appréciative : nous partons des réussites passées et des compétences de chacun des participants et de leur de l’équipe, pour construire le nouveau service sur un socle positif. Une fois que chacun se sent compétent pour apporter sa pierre à l’édifice, et se rend compte qu’il a déjà été capable de participer à des actions productives et réussies, on peut commencer à chercher ensemble des solutions. Nous apportons des outils d’intelligence collective, et petit à petit la créativité de chacun se libère.
( * Phrase entendue telle quelle à la fin d’une série d’ateliers.)